La raret&eacute; frappante de femmes &agrave; la t&ecirc;te des grandes maisons fran&ccedil;aises soul&egrave;ve une question br&ucirc;lante : pourquoi la mode parisienne, pourtant b&acirc;tie par des pionni&egrave;res comme Chanel ou Lanvin, peine-t-elle encore &agrave; laisser les cr&eacute;atrices diriger son avenir ?

La mode fran&ccedil;aise traverse-t-elle une crise d&rsquo;identit&eacute; ? Poser la question, c&rsquo;est d&eacute;j&agrave; pointer un malaise. Sur les podiums parisiens, les directeurs artistiques fran&ccedil;ais sont rares&hellip; et les directrices fran&ccedil;aises encore plus. &Agrave; tel point que Nad&egrave;ge Vanhee-Cybulski, aux commandes d&rsquo;Herm&egrave;s depuis 2014, fait figure d&rsquo;exception.
Ce d&eacute;ficit de femmes aux plus hautes fonctions n&rsquo;est pas nouveau, mais il devient de plus en plus difficile &agrave; ignorer. Paris, berceau de maisons mythiques fond&eacute;es par des femmes visionnaires &mdash; Chanel, Lanvin, Schiaparelli&nbsp;&mdash; est aujourd&rsquo;hui la capitale de la mode o&ugrave; leur absence se fait le plus sentir.
<h3>Une industrie verrouill&eacute;e par les hommes</h3>
"Il y a moins de femmes que jamais. C&rsquo;est incroyable", d&eacute;plore Julie de Libran, ex-directrice artistique de Sonia Rykiel et fondatrice de sa propre maison. Elle raconte avoir toujours &eacute;volu&eacute; dans des structures domin&eacute;es par des hommes, o&ugrave; les d&eacute;cisions cl&eacute;s &mdash; cr&eacute;atives comme financi&egrave;res &mdash; leur revenaient presque exclusivement.
La logique des grands groupes y est pour beaucoup. En p&eacute;riode d&rsquo;incertitudes &eacute;conomiques et g&eacute;opolitiques, LVMH et Kering privil&eacute;gient les paris "s&ucirc;rs" : miser sur des noms masculins &eacute;tablis, plut&ocirc;t que confier des mastodontes comme Gucci ou Dior &agrave; des talents &eacute;mergents &mdash; surtout s&rsquo;ils sont f&eacute;minins. R&eacute;sultat : un cercle ferm&eacute; domin&eacute; par Pierpaolo, Demna, Jonathan, Matthieu&hellip;

<h3>Entre h&eacute;ritage et d&eacute;sillusions</h3>
Le contraste est saisissant avec les ann&eacute;es 1920-1930, quand Coco Chanel avait b&acirc;ti un empire de 4 000 employ&eacute;s dans une France o&ugrave; les femmes n&rsquo;avaient m&ecirc;me pas encore le droit de vote. "&Agrave; l&rsquo;&eacute;poque, il &eacute;tait socialement valoris&eacute; que les femmes cr&eacute;ent et dirigent", rappelle &Eacute;milie Hammen, historienne de la mode et nouvelle directrice du Palais Galliera. Aujourd&rsquo;hui, la mode est indissociable de ses enjeux financiers &mdash; un terrain o&ugrave; les femmes ont moins acc&egrave;s aux ressources et aux r&eacute;seaux.
<h3>Formation : un probl&egrave;me d&egrave;s l&rsquo;&eacute;cole</h3>
Le manque de cr&eacute;atrices &agrave; Paris prend aussi racine dans la formation. Les &eacute;coles fran&ccedil;aises de mode, longtemps &eacute;litistes et co&ucirc;teuses, n&rsquo;ont pas encourag&eacute; les jeunes talents locaux &agrave; viser haut. Christelle Kocher (Koch&eacute;) a d&ucirc; partir &agrave; Londres, &agrave; Central Saint Martins, pour acc&eacute;der &agrave; une formation d&rsquo;envergure internationale. Comme elle, nombre d&rsquo;&eacute;tudiants fran&ccedil;ais s&rsquo;expatrient&hellip; et parfois ne reviennent pas.
"On a l&rsquo;impression que les &eacute;coles ici forment surtout des ex&eacute;cutants pour les grandes maisons, pas des leaders", estime David Siwicki, &agrave; la t&ecirc;te d&rsquo;une agence de communication parisienne. De fait, aujourd&rsquo;hui, Nicolas Ghesqui&egrave;re chez Louis Vuitton est le seul Fran&ccedil;ais &agrave; diriger une grande maison de LVMH.

<h3>Des signaux encourageants, mais insuffisants</h3>
Les choses &eacute;voluent lentement. L&rsquo;Institut Fran&ccedil;ais de la Mode modernise ses &eacute;quipements et gagne en r&eacute;putation, notamment apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; choisi par la fondation BeyGOOD de Beyonc&eacute; pour attribuer des bourses. Mais transformer cette nouvelle g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;&eacute;tudiants &mdash; et &eacute;tudiantes &mdash; en directeurs artistiques des plus grandes maisons reste un d&eacute;fi.
Quelques signaux donnent n&eacute;anmoins espoir : la premi&egrave;re collection remarqu&eacute;e de <a href="https://www.lofficiel.be/mode/sarah-burton-est-nommee-directrice-artistique-de-givenchy" target="_blank" rel="noopener">Sarah Burton</a> chez Givenchy, l&rsquo;arriv&eacute;e de <a href="https://www.lofficiel.be/mode/meryll-rogge-la-creatrice-belge-prend-la-tete-de-marni" target="_blank" rel="noopener">Meryll Rogge</a> chez Marni, ou encore <a href="https://www.lofficiel.be/mode/chemena-kamali-qui-est-la-nouvelle-directrice-de-la-creation-de-chloe" target="_blank" rel="noopener">Chemena Kamali</a> &agrave; la t&ecirc;te de Chlo&eacute;. Et bien s&ucirc;r, l&rsquo;infatigable Isabel Marant, qui f&ecirc;te les 30 ans de sa maison et demeure l&rsquo;une des figures les plus libres de la mode fran&ccedil;aise.

Ces exceptions ne doivent pas masquer l&rsquo;essentiel : pour que Paris reste la capitale de la mode, elle devra non seulement former, mais aussi laisser une place r&eacute;elle aux cr&eacute;atrices. Car c&eacute;l&eacute;brer quelques rares femmes n&rsquo;est pas suffisant. C&rsquo;est un d&eacute;but, mais il reste encore un long chemin pour que l&rsquo;"identit&eacute; fran&ccedil;aise" de la mode retrouve la voix de ses pionni&egrave;res.

Où sont passées toutes les créatrices à Paris ?

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