Art & Culture

Claire Laffut : "Pour moi, la sororité, c’est vital"

À l’occasion de la sortie de son premier album baptisé "Bleu", repoussé à plusieurs reprises à cause de la crise sanitaire, Claire Laffut nous a parlé de sororité – l’un des titres phares de ce disque –, d’amour, de moments de vie avec son public, et de ses prochains défis artistiques.
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Ce vendredi 3 septembre 2021, Claire Laffut dévoile "Bleu", son premier album au nom évocateur. Celle qui a "débarqué comme une bleue" dans l’industrie musicale, depuis sa campagne belge jusqu’à Paris, se livre avec ce premier disque sur ses amours troubles, ou encore sur son envie de réunir les femmes, qui, au fond, sont toutes des sœurs. Rencontre.

Vous êtes chanteuse, mais aussi peintre, et signez par conséquent vous-même la pochette de ce premier album. Qu’est-ce qu’elle évoque ?

En fait, on a plongé une de mes toiles dans un lac. La pochette est partie d’une de mes chansons qui s’appelle "Tomber dans un rêve", où c’est un ciel étoilé, il y a une constellation de visages. Ce sont des visages que j’utilise parfois dans ma peinture, et des symboles que j’ai créés. Tous ces visages me font penser à tous les gens que j’ai rencontrés sur ma route pour faire cet album. C’est comme des petites étoiles que j’ai croisées.

 

Pourquoi "Bleu" ?

Le nom m’est venu à la fin de l’album, j’avais déjà fait la photo. On n’a pas fait l’image en pensant que l’album s’appellerait "Bleu". C’est l’image qui a généré le titre. C’est un terme très simple pour résumer plein de choses. C’est un album qui va rassembler tout ce que j’ai vécu pendant ma vingtaine, le moment où j’ai commencé la musique, où je suis arrivée à Paris, où j’ai rencontré des gens qui m’ont amenée à la musique, et où j’ai vécu des histoires d’amour. J’avais l’impression d’être une grande et en fait j’étais encore qu’une "bleue" par rapport à tout ce que j’allais vivre pour la première fois. En plus le bleu, ça a un double sens, car si tu rattaches ça à la mer, ça peut être une couleur très sereine et apaisante, et en même temps très froide et mélancolique.

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© Charlotte Abramow

Charlotte Abramow a photographié les visuels de l’album. C’est comment de bosser une femme comme elle ?

Avec Charlotte, on se connaît bien. Depuis que j’ai 15 ans, je fais des photos avec elle. Elle essaye toujours de rester au plus fidèle de ce que je suis, elle ne va pas essayer de me transformer, de me grimer. Elle veut vraiment garder un naturel et c’est pour ça que j’aime shooter avec elle. Je pense que c’est comme ça aussi qu’on crée des choses intemporelles. Sur la pochette, je n’ai pas de maquillage, je n’ai pas de vêtement. C’est moi dans mon tableau et ça rend la chose unique. Ma peinture et la musique prennent plus de place que moi finalement dans cet album. En plus de ça, on a choisi de shooter dans la nature. Je suis dans un lac, c’est un vrai lac, pas un studio. C’est capturer mon univers dans la nature, sans artifice.

 

Pour le clip d’ "Hiroshima", le premier titre de cet album, vous vous êtes entourée des meilleurs : Charlotte Abramow, Nick Coutsier etc. A quoi peut-on s’attendre pour la suite ?

Le prochain clip qui va sortir, c’est celui de "Sororité". On veut faire une immense fresque avec des personnalités belges sportives, des artistes, peut-être politiciennes, et afficher ça dans la rue. Après, dans la musique, Charlotte et Nick sont des amis d’enfance.

 

Tu penses à qui quand tu écris ?

J’essaye de parler à ma petite sœur, mais en général à toutes les jeunes femmes, qui pourraient être mes petites sœur. J’ai l’impression que c’est un truc que je prends très à cœur, la génération suivante. Et puis, je pense surtout à mon cœur, j’essaye de lui faire du bien en écrivant.  

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© Charlotte Abramow

"Sororité" commence avec ces paroles : "Ca fait des années qu’on est sœurs sans se lier". La sororité, ce ne serait pas un mythe finalement ?

Non, parce qu’elle est en train de naître. C’est pas un mythe car il y a des preuves qu’il y a eu des civilisations matriarcales dans le passé, sauf qu’on a vraiment été contrôlées, et on nous a pas laissé une place égale à l’homme. Moi, je pense vraiment que c’est en train de naître et qu’il faut s’y attacher et la défendre. C’est un état d’esprit qu’il faut encrer dans l’esprit des jeunes femmes, et même des plus âgées. Toutes les femmes doivent être déterminées à changer si elles en ont envie. Pour moi c’est vital, j’ai souffert de ça et j’ai pas envie que les autres en souffrent, donc j’essaye de faire bouger les choses à mon niveau. Grâce à la musique, on peut adresser des messages.

 

On parle parfois des "white fem" qui se mobilisent pour les femmes blanches, mais qui font rarement preuve de sororité avec les femmes racisées...

Je pense que ça va prendre du temps, mais j’ai l’impression que quand même il y a une bienveillance qui laisse la place à ne pas juste s’entreaider entre communautés. Moi j’étais ultra fière de ma petite sœur qui a 18 ans et qui est descendue dans la rue pour Black Lives Matter. Je pense que la nouvelle génération veut ce changement, et prendre position, c’est pas seulement pour ses sœurs de communauté, c’est pour tout le monde. Ca prend du temps et il faut avoir l’occasion, mais il y a plein de femmes qui se bougent pour les femmes afghanes et il y en a qui créent des associations pour rétablir l’histoire de l’art et remettre de l’ordre dans ce que les femmes ont fait artistiquement depuis la nuit des temps, qui a été caché ou bâclé.  

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© Charlotte Abramow

Avec cette chanson, tu prônes un engagement féministe. C’est le propre de l’artiste d’être engagé ?

Pas forcément, un artiste, s’il a envie, il peut coller une banane sur un mur (rires). Il peut mettre une toilette de WC au milieu d’une pièce… L’art, il est surtout dans le regard de celui qui le regarde, et la musique aussi. Après, l’engagement, tant que ça vient pas des tripes et du cœur… j’ai pas pris vraiment de position. Je veux pas être un nuisible là-dedans, je veux parler de choses qui moi me tiennent à cœur. Et c’est pour ça que la sororité pour moi, c’est l’essence même du féminisme. Parce que le féminisme, c’est l’égalité homme-femme, mais surtout de femme à femme, on fait quoi ? Comment on se perçoit ? Donc ça passe par ça, parler, se rendre compte qu’on vit toutes des choses similaires. Après, un artiste, il s’engage ou pas, je trouve ça intéressant quand on peut débattre de choses et quand l’art peut faire bouger certaines choses, c’est juste un game différent. Mais on y entre ou on y entre pas.

 

Une personnalité féministe à suivre absolument et qui vous parle en ce moment ?

Je suis tombée sur l’Insta d’une dame, elle ne se revendique pas féministe, mais elle est chamane, elle s’appelle Gislaine Duboc. J’écoute ses petits messages tous les jours, et elle m’inspire de ouf. Elle parle du regard des adultes sur les enfants, par exemple pendant les vacances. Les premières intentions qu’on pose sur un enfant et qui vont être décisives sur sa construction. Elle parle du succès, ce que c’est et ce que ça crée. Elle lie ça à la nature, et elle parle aussi de la liberté d’expression, de se faire vacciner ou pas… C’est hyper intéressant. C’est très gaie la manière dont elle amène les sujets.

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© Charlotte Abramow

Le titre "MDMA" correspond aux paroles "Mais Dis Moi A quel jeu on joue". L’amour, ça fait le même effet que la drogue pour vous ?

Non. La drogue, c’est des sensations, des changements de perception. C’est aussi comment on va explorer ses limites. Et l’amour c’est complètement autre chose. C’est un sentiment tellement profond, qui n’est pas juste éphémère, qu’on consomme pas comme ça. C’est des rencontres et des bouleversements, et ça amène quand même la vie.

 

Quelle chanson de cet album t’a demandé le plus de travail ?

"Vertige". En mélodie, elle n’est pas évidente. Et puis en termes de production, je crois que j’ai changé genre 4 fois de direction. C’est à dire qu’avec les voix, on a refait toute la production derrière, changer les accords etc. Donc j’ai cru qu’elle allait pas voir le jour.

 

Celle dont tu es la plus fière ?

Il n’y en a pas une qui sort du lot, mais je pense que "Vertige", elle a du potentiel. Elle a un message qui montre ma vulnérabilité et peut parler à d’autres femmes, et à tout le monde. Ca parle d’amour de soi-même et c’est quelque chose qui me touche.

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© Charlotte Abramow

Vous avez repris les concerts petit à petit. Vous vous sentez comment après un an et demi loin du public ?

J’ai pris conscience de ce que c’était un concert, c’est un vrai rendez-vous et un partage avec une foule ou un petit public. C’est un vrai cadeau de moment présent. On crée un moment très fort, donc je suis revigorée. Ca m’a tellement manqué que j’ai envie de vivre ça tellement à fond, je mets mes peurs de côté et j’ai juste envie de faire un moment présent le plus beau possible.

 

Ton prochain défi ?

Faire une exposition de peintures. C’est comme un album. Je suis encore dans la conception. Là, j’ai fini les chansons et je vais pouvoir vraiment me concentrer sur le live et sur les peintures et on verra si ça porte à une exposition, en tout cas j’en ai très envie. Mais ça prend du temps, je fais des tableaux de 3 ou 4 mètres de grandeur et aussi, je suis autodidacte, donc j’apprends tout sur le tas.

 

Claire Laffut défendra son premier album "Bleu" au Botanique à Bruxelles le 23 octobre 2021.

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