Sur le tournage de la campagne Chanel N°5 avec Marion Cotillard
Il aura 100 ans en 2021… Et pourtant, le parfum Chanel N°5 continue de nous faire fantasmer. Ambassadeur olfactif de la griffe au double C, il a pu compter sur des égéries prestigieuses au fil des années. Depuis février 2020, c’est Marion Cotillard qui lui prête ses traits. Pour mettre en scène la rencontre entre ce jus emblématique et l'actrice oscarisée, Chanel a misé sur un film pensé comme un moment de cinéma. Et ce, dans la grande tradition des campagnes publicitaires de la fragrance. Elle a en effet vu défiler au fil de son histoire des duos marquants, devant et derrière la caméra, tels que Nicole Kidman et Baz Luhrmann ou encore Audrey Tautou et Jean-Pierre Jeunet… Rencontre avec une star qui ne se prend pas au sérieux.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire du film réalisé par Johan Renck pour la nouvelle campagne Chanel N°5 ?
C’est l’hiver à Paris. Près de la Seine. Il fait nuit et une femme, habillée avec une grande cape noire, avance sur un pont enneigé, seule et confiante, dans une atmosphère très énigmatique. Elle s’arrête et contemple la pleine lune qui luit de toute sa lumière. Soudain, elle se retrouve sur la Lune où un homme l’attend. Ils vont danser ensemble, s’entraîner mutuellement dans un mouvement à la fois fantasque, drôle et passionné. Puis, la femme est de retour sur ce pont de Paris. Elle se retourne et voit l’homme avec lequel elle dansait. Ils se sourient.
Comment l’a-t-elle fait revenir sur Terre ? On s’arrête sur ce mystère. Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce scénario ?
C’est une histoire d’amour, une histoire d’amour assez joyeuse. Il y a à la fois de la légèreté et de la profondeur, de l’aérien et du terrien. Lorsque les deux personnages se mettent à danser, deux forces humaines se rejoignent. C’est une jolie image de ce que l’on peut ressentir quand on est très amoureux. Je trouve cela très beau d’emmener le N°5 dans cet univers.
Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec le réalisateur Johan Renck ?
Nous avons eu une collaboration constructive, enrichissante et heureuse. Il y avait quelque chose de très similaire entre lui et l’histoire que nous racontions. Il a cette énergie malicieuse et magique, et en même temps c’est quelqu’un qui a un univers très singulier. Un univers en mouvement, qui peut être à la fois déjanté, magique et féérique.
Quel personnage incarnez-vous ?
Quand nous avons commencé à échanger sur le film avec le réalisateur, nous avons imaginé un personnage féminin aimant vivre le moment présent. Au moment du tournage, j’ai véritablement ressenti cette femme pleine de joie, avec une grande liberté dans sa façon d’exprimer ce qu’elle ressent. C’était important de trouver cette énergie. Parce qu’il y a cette danse qui surgit entre les deux personnages. Une danse qui ne ressemble à aucune autre. Pour cela, il fallait dessiner une femme qui aime se sentir vivante et ouverte à l’inattendu.
Est-ce une femme dont vous vous sentez proche ?
C’est un personnage qui vit le moment présent, pleinement. Et c’est une chose à laquelle j’aspire. La femme du film cueille le moment — sans nostalgie du passé, ni fantasme du futur. Je cherche à tracer un chemin joyeux, positif et libre. Je ne sais pas si j’y arrive mais je m’y emploie. Le personnage de cette femme semble nous dire que tout est possible, pour réaliser ses rêves.
Seriez-vous, vous aussi, prête à décrocher la lune ?
Décrocher la lune, non ! Elle est très bien là où elle est. (Rires) Tout faire pour atteindre ses rêves les plus fous ? Oui ! Quand j’étais enfant, ma mère me répétait toujours "tout est un cadeau". Aujourd’hui, je dis à mes enfants : "rêvez grand, parce que vos rêves peuvent se réaliser". Dans le film, le personnage de la femme mène la danse. Le fait que l’homme soit présent sur le pont à la fin du film symbolise l’idée forte de la femme N°5. En effet, la femme mène la danse. Mais pour danser, il faut être deux. On s’entraide, on s’entraîne, on mène puis on se laisse mener, tout cela dans le mouvement. C’est un travail d’équipe. D’ailleurs, cette idée est en résonnance avec la chanson du film, "Team" de Lorde. J’aime l’idée d’un relais entre deux êtres. Ici, c’est une danse qui ne ressemble à aucune autre. Elle est surprenante, engagée, sensuelle et amusante. Elle exprime la passion. Tout peut advenir dans la vie, grâce à la passion.
Que représente la danse dans votre vie ? Aimez-vous danser ?
Je me suis donné comme règle de vie de chanter, danser et rire au moins une fois par jour ! (Rires) Je danse beaucoup avec mes enfants. Dans ces moments-là, je ressens toutes les cellules de mon corps qui vibrent. Je chante beaucoup aussi. Le chant, la danse, sont deux pratiques qui me permettent de me reconnecter à mon corps et à des énergies extérieures. De me sentir libre. Je crois que les gens aiment danser parce que c’est un moment où l’on se sent vivant.
Connaissiez-vous le chorégraphe Ryan Heffington ?
Oui. Je suis admirative de son travail et notre collaboration a été très forte. Son univers inspire à la fois de la force, de la liberté, de la joie et de l’humour. C’est rare de réussir à concilier tout cela. Ce que j’apprécie chez Ryan Heffington, c’est qu’il est autant chorégraphe que directeur d’acteurs. Pendant la chorégraphie, il me guidait très précisément sur l’expression du visage, autant que sur les mouvements de jambes ou de bras. C’est une véritable histoire qu’il raconte à travers la danse.
Avez-vous appréhendé la partie chorégraphique du tournage ?
Oh oui ! (Rires) Je ne suis pas danseuse. J’étais anxieuse. Nous avons répété plusieurs jours avant le tournage. Et j’ai eu la chance d’avoir comme partenaire Jérémie Bélingard, qui est un grand danseur Étoile. J’étais très impressionnée parce qu’il a une carrière magistrale. Tout de suite, il m’a accueillie dans la chorégraphie. Ce fut une merveilleuse rencontre. J’étais à la fois intimidée et rassurée à l’idée de danser avec un danseur Étoile. Je savais qu’il ne me laisserait pas tomber. Au sens propre comme au sens figuré. C’est un être d’une grande générosité, qui rayonne d’une immense énergie.
Cette danse est-elle une métaphore de la relation amoureuse ?
Le film raconte la connexion entre deux forces humaines qui se rejoignent le temps d’une danse, le temps d’un rêve, dans un moment très fort. Cette danse montre les émotions qui les traversent, nombreuses et multiples. Il y a l’amour, la joie, l’entraide... Il y a aussi la séduction, puisque ce sont deux corps qui se reconnaissent et qui se plaisent. Je fais confiance au spectateur, chacun pourra y lire sa propre vision de l’amour.
Pouvez-vous nous parler de la robe que vous portez dans le film ?
La robe dans laquelle je danse est une robe dorée, entièrement brodée à la main par les ateliers de la Maison Lesage. Elle est inspirée d’une robe qu’avait portée Gabrielle Chanel. Elle est vraiment sublime ! Elle avait déjà été réinterprétée par Karl Lagerfeld il y a quelques années. Et Virginie Viard l’a repensée de nouveau, spécialement pour le tournage du film. C’est un bijou de grâce dans lequel j’ai pu bouger, danser, courir... Cette robe exprime le mouvement et la liberté. Très CHANEL !
Quelle est votre relation avec le parfum N°5 de CHANEL ?
J’ai senti un lien immédiat avec le N°5. C’est plus qu’un parfum, c’est une œuvre d’art. Sa composition est pleine de mystères. Et son flacon est conçu comme un tableau moderniste. N°5 est aujourd’hui un classique, qui a su garder sa singularité. C’est le propre d’une icône, de traverser le temps. Je me sens donc très chanceuse de continuer à faire vivre l’histoire de ce parfum iconique.
Que vous inspire l’histoire de sa création ?
N°5 est le premier parfum créé par une femme couturière. Sa création raconte le destin d’une femme avant-gardiste, en rupture avec son époque. Gabrielle Chanel a réussi à créer une révolution olfactive. Elle s’est imposée dans l’univers de la parfumerie, à une époque où les femmes devaient se battre pour exister, dans un monde dirigé par les hommes. C’est cela qui me touche profondément.
Que pensez-vous de Gabrielle Chanel "parfumeuse" ?
J’aime sa démarche. Elle avait décidé de créer un parfum pour elle-même. Tout simplement parce qu’elle ne trouvait pas chez les parfumeurs de l’époque un parfum qui corresponde à ce qu’elle avait envie de porter. Alors, elle l’a inventé. En élaborant le N°5, elle s’est laissé guider par son intuition. Et par son propre désir. Elle a ainsi créé un parfum qui ne ressemblait à aucun autre. C’est très audacieux. Je crois qu’il y a dans cette démarche créative une authenticité, une vérité, qui touche les gens. En s’autorisant à être elle-même, elle a pu toucher les autres.
Pourquoi êtes-vous attachée au N°5 ?
Porter un parfum est un geste qui relève de l’intime. Un parfum raconte quelque chose de l’identité de la personne qui le porte. On entre, paradoxalement, dans la profondeur de l’être. Le N°5 n’a pas la même senteur d’une peau à l’autre et pourtant, il reste reconnaissable. C’est fascinant. C’est un parfum qui a une composition si particulière, si subtile, qu’il devient à la fois unique et différent sur chaque femme.
Êtes-vous, comme Gabrielle Chanel, une "olfactive" ?
Oui, mon sens olfactif est très développé. Au début de ma carrière, lorsque je travaillais l’approche d’un personnage, je commençais par lui trouver un parfum qui lui corresponde. C’était une façon de comprendre la personnalité de mon personnage, de rentrer en contact avec lui. En tant qu’actrice, je travaille beaucoup sur les émotions.
Quels traits de la personnalité féminine associez-vous au N°5 ?
Je dirais que N°5 contient l’idée d’une essence féminine. Associée à un grand défi, celui de se plaire avant tout à soi-même. Mais il pourrait tout aussi bien être porté par un homme ! Au fond, quand je pense au N°5, je vois un être qui cherche à être libre.
Quels sont vos premiers souvenirs de parfums CHANEL ?
Mon premier parfum "de femme" m’avait été offert par ma grand-mère maternelle. C’était un parfum CHANEL. Je me souviens d’un flacon si élégant que j’aimais le regarder dans ma chambre. J’étais adolescente et il m’évoquait un monde de raffinement, qui me faisait rêver.
Vous êtes aujourd’hui la nouvelle égérie du parfum N°5. Vous incarnez l’image d’une femme épanouie, qui accomplit ses rêves. Entre autres, parce que vous êtes la première française à remporter l’Oscar de la Meilleure actrice à Hollywood. En avez-vous conscience ?
Grâce à mes parents, j’ai appris qu’un rêve peut se réaliser. C’est une grande force qu’ils m’ont donnée. Cela ne m’empêche pas parfois de manquer de confiance en moi. Et je suis loin d’être forte en toute occasion. Mais qui l’est ? Et je tire de nombreux enseignements de mes faiblesses et je crois aux rêves. Même si, selon moi, le plus important est le chemin parcouru vers l’accomplissement, plutôt que le but à atteindre. Et j’ai appris que chacun va à son rythme et à sa manière.
Quelles sont les femmes qui ont été importantes dans votre construction ?
Ma mère et ma grand-mère font partie des figures féminines importantes de ma vie. Mais j’admire toutes les femmes qui s’élèvent contre les conventions et les pouvoirs établis. Beaucoup de femmes dans l’Histoire nous ont montré qu’il ne fallait jamais baisser les bras.
Pouvez-vous nous parler de votre relation avec la Maison CHANEL ?
Assez tôt dans ma carrière d’actrice, la Maison CHANEL m’a accompagnée dans des moments très forts et importants. C’est une Maison qui m’a toujours fascinée. Que cela soit dans la boutique rue Cambon, dans l’appartement de Gabrielle Chanel ou dans le Laboratoire de Création et de Développement des Parfums CHANEL, je suis émerveillée. Lorsque Thomas du Pré de Saint Maur — Directeur des Ressources Créatives CHANEL Parfums Beauté — m’a proposé de collaborer sur le N°5, j’ai été très émue. Je l’ai vécu comme des retrouvailles.
Et qu’avez-vous ressenti en retrouvant la Maison CHANEL ?
C’est difficile à décrire, parce qu’il y a quelque chose de magique, qui n’existe que dans cette Maison. Elle a un don pour l’émerveillement et donc un don pour émerveiller. Arriver dans une Maison si belle, tant chargée d’histoire, cela pouvait être intimidant. Or, tout de suite, l’accueil a été bienveillant. C’est comme un rêve qui se réalise, et que peut-être je n’osais imaginer.
Quelle était votre première rencontre avec la Maison CHANEL ?
Le premier défilé de mode, auquel j’ai assisté dans ma vie, était un défilé CHANEL. J’étais très impressionnée de me retrouver dans cet endroit mythique, rue Cambon, à Paris. J’ai assisté à un défilé empli d’audace, d’une hardiesse joyeuse, chargé de modernité... Un vent insufflé par Karl Lagerfeld. J’ai réalisé à ce moment-là que CHANEL était une Maison atemporelle qui s’inscrivait dans le mouvement. Toujours en ébullition et désireuse de se réinventer.